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Le combat d’Ermawati contre la maladie de Hansen

Comment j’ai été au plus bas dans la vie et suis devenue autonome

Par: Ermawati

Bonjour, je m’appelle Ermawati. J’ai 31 ans et je suis la plus jeune d’une fratrie de quatre frères et sœurs. Je suis la seule de ma famille à avoir souffert de la maladie de Hansen. Et je souhaite partager mon histoire en tant que personne ayant souffert de cette maladie : de la découverte de la maladie, à la lutte contre elle, en passant par la rencontre de personnes extraordinaires et, enfin, la phase d’autonomisation.

J’avais 11 ans et j’étais en première année de Madrasah Tsanawiyah (collège islamique) lorsqu’une plaie s’est est apparue sur ma jambe gauche. Je pensais qu’il s’agissait d’une réaction allergique, car rien ne semblait inhabituel, jusqu’à ce que la plaie s’agrandisse et commence à devenir inconfortable. Lorsque j’étais avec eux/elles, mes amis/ies à l’école me posaient toujours des questions gênantes à ce sujet. Et j’avais honte de moi.

Ma sœur m’a alors suggéré d’arrêter de manger des nouilles instantanées et des œufs, en attendant que ma mère et elle discutent de mon état avec ma tante et décident que je devais consulter un médecin. Je me souviens que la clinique était assez loin de chez moi et qu’il y avait une longue file d’attente. La salle de consultation n’était pas entièrement fermée et on pouvait sentir le tourbillon d’activités à la clinique. Mon tour arrivé, ce fut l’un des moments les plus humiliants de ma vie. En effet, après avoir examiné la plaie, le médecin a déclaré haut et fort que j’avais le kandala (maladie de Hansen en makassarois), de sorte que toutes les personnes qui attendaient dehors pouvaient entendre.

J’étais choquée et perplexe par ce que le médecin venait de dire. Dans la culture makassaroise, le kandala est considéré comme une chose très offensante à dire. J’étais dévastée et j’avais envie de crier. Je me suis levée et j’ai quitté la clinique en trombe. C’était comme si j’avais été frappée par la foudre en plein jour. Ne parvenant pas à comprendre ce qui venait de se passer, je pleurais de façon incontrôlable.

Même si ma famille n’a jamais cessé de me soutenir, je pense toujours que le médecin aurait dû faire preuve de plus de tact et expliquer clairement ce qu’est la maladie de Hansen, ce qui la provoque, comment elle se transmet, etc.

La plaie sur ma jambe s’est asséchée après 3 mois de traitement, et même si le médecin a suggéré que je continue à prendre des médicaments pendant un an, je pensais qu’elle était complètement guérie et qu’il n’y avait pas besoin d’autres médicaments. J’ai alors décidé d’arrêter les médicaments et de jeter le reste, bien que ma sœur et ma tante s’en procuraient régulièrement pour moi. « Si tu arrêtes de prendre tes médicaments, tu pourrais le regretter un jour « , disaient-elles. C’est effectivement ce qui est arrivé quand j’ai obtenu mon diplôme et commencé à travailler.

En effet, deux ans après avoir obtenu mon diplôme de Madrasah Tsanawiyah, j’ai commencé à travailler à Kalimantan comme femme de ménage. Toutefois, au bout d’un an, je commençais à sentir quelque chose sur ma peau. Là encore, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une réaction allergique due au contact avec l’eau des bassins de poissons, de crevettes et de crabes se trouvant sur mon lieu de travail. C’était comme une éruption cutanée due à la chaleur, mais cela ne s’est pas amélioré, même quand j’ai pris des médicaments contre les allergies. Cela a duré six mois.

Mes employeurs me traitaient avec gentillesse et me soutenaient financièrement. Nous sommes même allés voir un chaman pour tenter de guérir la maladie. Je ne pouvais m’empêcher d’avoir extrêmement honte de moi.

 Finalement, j’ai décidé de rentrer chez moi parce que je ne voulais pas inquiéter davantage mes employeurs avec mon état qui s’était aggravé et des rougeurs qui étaient apparus sur tout le corps. Mes employeurs ont accepté à contrecœur et m’ont ramenée chez moi. Ils ont parlé de mon état à ma famille.

« Nous sommes vraiment, vraiment désolés. Erma est arrivée chez nous en bonne santé, mais elle revient à la maison avec une maladie. Nous avons fait de notre mieux pour l’aider, mais ça n’a pas marché. Erma elle-même nous a alors dit qu’elle voulait revenir à la maison« , ont-ils déclaré à ma famille. Nous étions désespérés.

Après quelques mois, mon état se détériorait. J’avais des plaies sur tout le corps. J’ai consulté un médecin différent de celui que je consultais auparavant et il ne m’a prescrit que des médicaments contre les allergies. J’ai cherché des remèdes partout, j’ai même consulté d’autres chamans. La situation n’a fait qu’empirer et les plaies ont commencé à suinter du sang et du pus. C’était devenu si grave que je ne pouvais même plus me tenir debout ni marcher. Je devais ramper chaque fois que j’avais besoin d’aller aux toilettes. Ma famille, qui ne pouvait que pleurer de désespoir pour moi, m’achetait parfois mes plats préférés quand elle en avait les moyens. J’avais l’impression qu’abandonner était le seul choix qui s’offrait à moi, et je ne pouvais que penser au moment où la mort viendrait enfin.

Néanmoins, Dieu soit loué, j’avais une famille aimante qui s’occupait de moi de tout cœur et avec patience, en particulier ma mère et ma sœur. Je savais que c’était très difficile pour elles, étant donné le fait que j’avais tendance à être facilement bouleversée la plupart du temps.

***

Après environ six mois, ma tante a contacté un dermatologue pour examiner mon état. Ce dernier m’a orientée vers l’hôpital Tajuddin Chalik, qui offre des soins spéciaux aux patients atteints de la maladie de Hansen. Pendant mon séjour à l’hôpital, mon médecin surveillait directement mes médicaments. Je ne pouvais porter qu’un sarong à cause des plaies sur tout mon corps, qui portait également un bandage. J’avais l’impression d’être une momie. Chaque fois qu’il fallait changer les bandages, cela faisait tellement mal que j’en criais. Ma mère et ma sœur ont décidé de démissionner de leur emploi pour s’occuper de moi à l’hôpital. Au bout d’un mois, mon état s’est amélioré.

C’est à cette époque que j’ai fait la connaissance de nombreuses personnes qui avaient souffert de la maladie de Hansen. Certaines d’entre elles ont dû être amputées à cause de soins médicamenteux inopportuns. J’ai beaucoup appris d’elles, notamment comment prendre soin de moi. J’ai pu quitter l’hôpital au bout de trois mois de soins après que mon état se soit amélioré.

Rentrée à la maison, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir profondément honte de moi en tant que personne souffrant de la maladie de Hansen. Mes amis/ies et mes voisins/nes, toutefois, ne m’ont pas du tout évitée. À partir de ce moment-là, j’ai essayé d’être productive pendant mon traitement en enseignant la lecture du Coran. Au début, je n’avais qu’un seul étudiant, puis trois, cinq, et enfin 40 en l’espace d’un mois.

Trois ans plus tard, je rencontrais un survivant de la maladie de Hansen et de la tuberculose qui était sincèrement heureux que je fus complètement guérie et sans traces de plaies sur ma peau. Lors d’une visite dans un centre de santé communautaire, j’ai eu l’occasion de parler avec des travailleurs de la santé qui s’occupent de personnes atteintes de la maladie de Hansen et j’ai été invitée à rejoindre PerMaTa (Perkumpulan Mandiri Kusta / Association indépendante de la maladie de Hansen). Après avoir rencontré les membres de PerMaTa à plusieurs reprises, j’ai été nommée trésorière de l’association. N’ayant aucune expérience en la matière, je n’avais aucune confiance en moi. Mais ils ont réussi à me convaincre que l’expérience est le meilleur professeur et ont cru en mes capacités.

Au début, je n’étais impliquée que dans des activités qui concernaient des enfants et qui pouvaient être gérées depuis la maison ; jusqu’à ce que PerMaTa lance pour la première fois un programme éducatif dans une vingtaine d’écoles du district de Gowa. J’ai eu l’occasion de participer à ce programme et j’étais chargée de prendre des notes sur le processus. J’étais fière de pouvoir prendre part à un effort visant à réduire la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes ayant souffert de la maladie de Hansen.

Ce n’était pas la fin de mon parcours. Plus tard, j’ai participé au programme SIPAKATAU (Suara Pemuda Kusta yang Aktif dan Terampil ou Voix des jeunes actifs et compétents, souffrant de la maladie de Hansen) soutenu par Voice. J’y ai participé en tant que membre du personnel administratif et de terrain.

Il ne m’était tout simplement pas venu à l’esprit que la maladie de Hansen me permettrait de rencontrer Mme Kerstin Beise, une Allemande qui est devenue notre consultante pendant l’élaboration de la proposition de SIPAKATAU. Au sein de SIPAKATAU, notre mission était de donner aux jeunes ayant souffert de la maladie de Hansen les moyens de devenir des personnes indépendantes et confiantes en elles-mêmes. Pour ce faire, nous leur avons confié la tâche d’enseigner à des femmes analphabètes et en situation de handicap. Au début, j’ai été nommée membre du personnel administratif, puis j’ai été choisie comme trésorière. J’ai également eu l’occasion de me rendre à Bali – je n’avais jamais pensé pouvoir visiter cette magnifique île – pour participer à une activité de Lien et Apprentissage, tout cela grâce à ce programme. Ce fut une expérience inoubliable.

Le programme a eu lieu dans les centres de santé communautaires de Bajeng, Pallangga et Kanjilo, dans le district de Gowa. Nous nous sommes rendus dans ces trois centres de santé pour recueillir des données sur les personnes ayant souffert de la maladie de Hansen, puis nous leur avons rendu visite à domicile pour recueillir d’autres données. Ce faisant, nous espérions les inviter à participer au programme SIPAKATAU. Comme ces visites et la collecte de données couvraient une zone assez large, les équipes de terrain ont été divisées en petites équipes. J’ai été affectée au centre de santé communautaire de Bajeng, situé dans le village de Bone.

Dès que nous avons commencé la collecte des données, nous nous sommes rendus compte que les données fournies par le centre de santé communautaire et celles de terrain ne correspondaient pas. Tout le processus était assez drôle, mais en même temps, cela m’irritait et me rendait triste. Les visites à domicile ont révélé que le nombre de cas de maladie de Hansen enregistrés était inférieur aux faits sur le terrain et que les données sur les patients étaient inexactes. L’une des personnes que nous avons visitées, par exemple, avait des sueurs froides au moment où nous l’avons rencontrée chez elle. Elles avaient peur que leurs voisins sachent qu’elles avaient reçu un traitement contre la maladie de Hansen. Nous avons également découvert que certaines des adresses enregistrées par ces personnes étaient fausses. Nous avons donc dû demander aux habitants pour trouver les bonnes adresses.

Sur les 14 personnes que nous avons visitées plusieurs fois et auprès desquelles nous avons recueilli des données, seules deux ont décidé de participer au projet SIPAKATAU. Les autres avaient soit peur que les gens sachent qu’elles avaient souffert de la maladie de Hansen, soit étaient occupées par leurs études et/ou leur travail. C’était plutôt inattendu, car en plus des visites, nous avons également fait des efforts pour les inviter par téléphone. N’ayant pas pu atteindre le nombre de participants prévu, les équipes SIPAKATAU se sont ensuite rendues au centre de santé communautaire de Bontompo. Là, seules 3 personnes sur les 13 enregistrées comme patientes actuelles de la maladie de Hansen ont décidé de participer au programme.

Néanmoins, nous avons finalement réussi à organiser notre première réunion au centre de santé communautaire de Pallanga. Il s’agissait d’un évènement iftar au cours duquel nous avons fait la connaissance de jeunes gens des trois régions qui avaient souffert de la maladie de Hansen. C’était incroyablement amusant. Notre activité ne s’est pas arrêtée là puisque nous avons également réalisé une activité de sortie à Malino, au cours de laquelle je devais juger de la solidité des participants en tant qu’équipe.

Les équipes formées de jeunes atteints de la maladie de Hansen ont ensuite été affectées à trois régions, à savoir Bone, Bontoala et Tamanyeleng. Là, ils ont recueilli des données sur les femmes analphabètes et en situation de handicap auxquelles j’ai eu l’occasion d’enseigner. Ce fut là une bouffée d’air frais pour moi et c’était extrêmement amusant. J’ai également dû soumettre des rapports d’activité hebdomadaires, ce qui était amusant à faire car j’ai pu partager différentes histoires et des résultats.

Après avoir terminé le projet de groupe d’étude, les participants au programme SIPAKATAU ont eu l’occasion de se retrouver dans un camp de formation, au cours duquel nous avons appris la rédaction de rapports et le photovoice. Après cela, nous avons organisé avec succès une exposition photovoice à laquelle nous avons également invité le représentant du chef de district de Gowa, les agences gouvernementales concernées, les organisations connexes, tous les représentants des centres de santé communautaires de Gowa, les représentants de Posyandu (poste de santé intégré) et la communauté locale. A la fin de notre voyage en tant que membres du SIPAKATAU, nous avons créé un livre des anciens étudiants et rédigé un rapport final.

En plus de toutes les activités ci-dessus mentionnées, il y a eu beaucoup d’activités de renforcement des capacités qui nous ont permis de renforcer notre confiance, d’affiner nos compétences en matière de communication et de permettre aux jeunes atteints de la maladie de Hansen d’accéder à des emplois. Un autre axe de notre travail consistait à faire le plaidoyer pour un soutien actif du gouvernement et la mise à disposition de meilleurs traitements pour les patients atteints de la maladie de Hansen. En outre, nous avons également mené des programmes éducatifs et communautaires pour sensibiliser les gens à la maladie de Hansen.

En y repensant, je me souviens que je n’avais aucune expérience lorsqu’on m’a demandé de m’occuper des tâches administratives du programme SIPAKATAU. Je ne savais pas comment scanner, imprimer et photocopier des documents, ni même comment utiliser un distributeur automatique de billets. Grâce au programme, j’ai pu avoir une multitude d’expériences comme avoir ma propre carte de débit, rencontrer une Allemande, visiter Bali, enseigner et visiter les Philippines. Je suis reconnaissante envers mon passé, de n’avoir pas eu peur d’essayer d’apprendre de nouvelles choses et de s’épanouir. Aujourd’hui, je me sens plus forte.

Je n’aurais jamais cru que je pouvais être au plus bas de la vie et lutter avec succès contre la maladie de Hansen. Merci infiniment, PerMaTa et SIPAKATAU !

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