Quatre voix. Un même but
Je m’appelle Ramatou Dan Dano, j’ai 24 ans. Je suis issue d’une grande famille polygame. Du coté de ma mère nous sommes deux filles et deux garçons. Je suis une personne de petite taille et je suis née avec une bosse sur le dos. J’ai marché à quatre pattes jusqu’à l’âge de neuf ans et n’ai commencé mes premiers pas qu’à l’âge de dix ans. A partir de ce moment, j’ai demandé à ma mère de m’inscrire à l’école. Elle voulait bien mais mon père s’y est opposé. Il craignait qu’une fois à l’école je ne souffre parce que pour lui, les autres enfants allaient passer tout le temps à me faire tomber et donc à me blesser, vue que mes pieds n’étaient pas affermis. J’ai quand même insisté en demandant à mon père de m’inscrire. Il a beaucoup résisté et finalement il s’est résigné. Et un matin tandis qu’il était au travail, un de mes cousins m’a prise pour m’amener à l’école afin de m’y inscrire. Mon entourage m’en croyais incapable mais je me défendais à chaque fois en disant que je pouvais. Au début la famille était trop protectrice car tous les jours il y avait quelqu’un pour me déposer à l’école et me chercher à la descente. Puis au fil du temps je partais en compagnie de mes camarades, même si cela me prenais un peu plus de temps qu’eux pour y arriver. Il m’arrivait d’être en retard mais j’étais toujours acceptée en classe. Le handicap n’a pas été un facteur de renfermement sur moi-même ou un motif de rejet par ma famille, bien au contraire. Nous sommes plusieurs dizaines d’enfants issus du même père et je suis la seule qui ait une malformation, cependant chacun se retrouve.
Chacun connait sa place et le respect mutuel et la considération réciproque ont toujours été le crédo de la famille. Après mon parcourt au primaire et au collège, en 2020, j’étais candidate au baccalauréat, mais je n’ai pas réussi à passer. Chaque chose vient en son temps. Donc en attendant j’ai appris à coudre et à tricoter au centre des personnes handicapées de Tibiri. Et c’est dans ce centre que j’ai rencontré l’équipe du projet festival inclusif qui m’a donné la chance de perfectionner ce que j’ai appris en couture. J’ai été placée sous la coupe d’un maitre tailleur avec qui j’ai appris de nouvelles techniques.
Aujourd’hui grâce à cette formation je m’en sort bien et je suis devenue formatrice à mon tour. Et même si le bac ne marche pas, je ne serais jamais une charge pour quelqu’un.
D’autres femmes et moi avons mis nos biens en commun pour créer un atelier de couture où nous apprenons cette discipline à d’autres personnes, moyennant une toute petite contribution pour acheter le matériel nécessaire à l’apprentissage. Personnellement, les perdiems que je percevait des déplacements avec ODI m’ont permis de donner ma contribution pour la création de cet atelier. Je m’apprêté à fonder un foyer et je peux sans risque de me tromper affirmer que le projet festival inclusif du programme Voice est d’un grand bénéfice pour moi. J’ai été formée et je transmettrais cette connaissance aux générations futures. Je suis déjà un modèle de confiance en soi pour les jeunes personnes handicapées car je suis apte à prendre la parole pour m’exprimer librement et je les exhorte toujours à en faire de même. Aujourd’hui, ma mère n’est plus là pour voir le fruit de son travail, mais je reste convaincue que de là où elle se trouve, elle fière de moi.
Alio Abdoulaye
J’ai 29 ans et je suis une personne de petite taille avec une malformation aux membres supérieurs. Je viens d’une famille de neuf enfants et je suis la seule personne handicapée de la famille. Je suis encore célibataire. Je ne suis pas allé à l’école car mes parents n’ont pas voulu m’y inscrire. Je jouis cependant des mêmes privilèges familiaux que tous mes frères. Avant l’arrivée de Voice à Tibiri – commune de Maradi, j’étais revendeur de légumes. Lorsque l’occasion d’avoir une formation s’est présentée, je l’ai tout de suite saisie. C’est ainsi que j’ai été formé à la réparation des motopompes. Pour moi le choix était naturel car les habitants de Tibiri pratiquent aussi les cultures de contre-saison et de ce fait utilisent des motopompes. Au cours de cette formation j’ai aussi appris la mécanique parce que mon formateur exerce les deux métiers. Le projet festival inclusif du programme Voice m’a été doublement bénéfique. Grâce à cet appui, je peux m’auto suffire et soutenir mes frères. Mon projet est de posséder mon propre atelier et être une référence dans le domaine. Je crois en cela parce que je me bats au quotidien et j’oublie le handicap.
Maman Salissou Issoufou
Je m’appelle Maman Salissou Issoufou. Je suis né en 1990. Je suis une personne de petite taille avec une malformation des membres supérieurs et inférieurs. Je suis issu d’une famille de dix enfants parmi lesquels je suis la seule personne handicapée. A ma naissance, j’avais déjà ces malformations. Je n’ai pas eu la chance de fréquenter l’école des ‘’blancs’’. Néanmoins j’ai appris la lecture et la mémorisation du saint Coran dès mon bas âge. Quand j’étais enfant, il arrivait qu’on se moque de moi en imitant ma façon de marcher et le geste de ma main mais j’en ai fait fi. J’ai décidé que l’absence d’instruction scolaire n’était pas un frein à mon développement professionnel et j’ai décidé de m’inscrire dans un centre de formation pour apprendre la couture. Cela ne m’a pas du tout dérangé car comme dit le dicton : « il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens ». Je me suis accroché, j’ai persévéré et du rang d’apprenti, je suis aujourd’hui formateur. Grace au projet festival inclusif, j’ai eu quatre apprenants que j’ai formé pendant six mois. Aussi, grâce au projet festival inclusif les personnes handicapées de Tibiri étaient représentées au festival de Niamey, à celui de Tahoua et à celui tenu à Maradi récemment.
Il n’y a pas l’ombre d’un doute la participation à ces activés organisées en faveurs de la promotion des personnes handicapées a été pour moi, une expérience nouvelle, des moments de grandes découvertes, un espace d’échange et forcement d’apprentissage entre personnes handicapées et non handicapées.
Notre participation a été un bénéfice pour non seulement le centre de formation qui nous accueille mais pour tout Tibiri. C’est un cadre idéal qui nous donne l’occasion de nous ouvrir sur d’autres horizons. Notre prière est de voir ce genre d’initiative pérennisée.
Safira Chaibou
Je m’appelle Safira Chaibou, j’ai 20 ans et je suis atteinte de surdité. Je suis née avec ce handicap. Dans ma famille nous sommes onze enfants dont deux personnes sourdes – un de mes frères et moi. Mes parents se sont beaucoup attaché à nous. Malgré le handicap je n’ai pas connu de rejet. J’ai toujours eu la place qui me revient de droit dans la famille. Lorsque j’ai eu l’âge d’aller à l’école mon père m’y a inscrite. Après le primaire, j’ai eu la chance de poursuivre mes études jusqu’en classe de 3ème où, après deux sessions, je n’ai pas eu de succès pour passer au lycée. Suite à ces échecs, je me suis retrouvée sans aucune occupation. C’est alors qu’on m’a proposé de suivre une formation professionnelle. J’ai toujours été très fascinée par la technologie donc quand l’occasion s’est présentée, je n’ai pas hésité un seul instant. J’ai choisi la formation en maintenance d’ordinateur et pendant 12 mois je l’ai suivi avec plusieurs autres personnes. Aujourd’hui au terme de ma formation, j’ai déjà formulé une demande auprès de la municipalité pour qu’elle m’octroi un espace où je pourrais installer ma propre entreprise de maintenance d’appareils numériques. La mairie y a été favorable, et même si les choses tardent à se mettre en place et que je n’ai pas encore les moyens d’ouvrir ma propre boutique, je ne perds pas espoir pour autant.
Je sais maintenant que pour être leader il faut se surpasser et avoir confiance en ce que l’on fait. Ceux qui passent et voient ce que je fais sont émerveillés par ce qu’ils voient et beaucoup m’en félicitent. J’étais la seule fille dans la branche de la formation que j’ai choisi, et sans vouloir me jeter des fleurs, le formateur trouvait mon travail mieux fait que celui des 2 autres qui sont des garçons.
J’ai maintenant pour ambition de former les jeunes et surtout les jeunes personnes handicapées, à commencer par mon jeune frère. Ma famille sait désormais que je peux me prendre en charge car cette formation que j’ai reçu avec l’appui de Voice m’a poussé à révéler mon vrai potentiel.