Déclaration du Réseau des femmes autochtones d’Asie et du Pacte des peuples autochtones d’Asie
Ceci est une déclaration conjointe du Network of Indigenous Women in Asia (NIWA en anglais) et le Asia Indigenous Peoples Pact (AIPP en anglais), Réseau des femmes autochtones d’Asie et du Pacte des peuples autochtones d’Asie, faite le 22 juin 2020. L’AIPP est un partenaire d´influence multi-pays de Voice et NIWA est l’un de ses membres.
La pandémie de COVID-19 accroît le fardeau et la vulnérabilité des femmes autochtones en Asie
La pandémie de COVID-19 a menacé l’humanité et le bien-être dans le monde. La gravité de son impact sur les peuples autochtones, en particulier les femmes et les filles autochtones, les personnes autochtones en situation de handicap et les personnes âgées, est disproportionnée et grave en Asie. Ces personnes font face à des risques sanitaires graves, à l’insécurité alimentaire, à la perte d’emplois et de moyens de subsistance, à l’augmentation de la violence (contre les femmes et les autochtones) et à des menaces de mort en raison de la campagne militaire et des attaques intensives sur leurs terres et territoires.
Pendant cette pandémie, les réponses humanitaires insuffisantes, un accès limité à l’information, aux services de base et aux filets de sécurité, les infrastructures sanitaires précaires et médiocres, la discrimination raciale et sexiste, une participation limitée à la prise de décision mettent leurs droits humains en péril. L’expansion de la militarisation dans différents pays d’Asie nourrit les menaces qui pèsent sur les peuples autochtones, en particulier les femmes autochtones qui ont des responsabilités supplémentaires pour faire face à la pandémie.
Les femmes sont toujours en première ligne pour nourrir (physiquement et mentalement) leurs familles, leurs communautés et l’humanité. Au cours de cette crise sanitaire, plusieurs femmes autochtones ont pris les devants avec des réponses et des mesures exemplaires pour protéger leurs communautés et répondre à leurs demandes alimentaires.
Malheureusement, la pandémie est utilisée comme couverture pour violer les droits des personnes autochtones sur leurs terres, territoires et ressources par des gouvernements d´Asie comme l’Inde, le Bangladesh, le Cambodge, l’Indonésie, les Philippines et le Myanmar, etc. Par exemple, le Département de l’agriculture (DA) et la Commission nationale sur les peuples autochtones (NCIP), ont élaboré une proposition conjointe pour entreprendre le programme « Plant, Plant, Plant » destiné à saisir les terres ancestrales aux Philippines pendant cette crise.
En outre, la pandémie a été utilisée comme mécanisme d’État pour contrer et réprimer les mouvements autochtones dans certains pays. La campagne militaire et la mobilisation des forces étatiques ont eu de graves conséquences comme le déplacement de milliers de personnes de leurs maisons, la dénonciation (code rouge), la diffamation, le harcèlement, l’intimidation, les menaces, les fausses accusations, les arrestations et les emprisonnements.
Les femmes autochtones ont également été gravement touchées par les actions susmentionnées de l’État. L’AIPP, la NIWA et leurs membres ont reçu des informations faisant état de harcèlements, de viols, de tentatives de viol, d’emprisonnements et de meurtres de femmes autochtones défenseures des droits humains. Par exemple, aux Philippines, 3 femmes autochtones défenseures des droits humains ont été emprisonnées et, en Thaïlande, une femme a été victime de harcèlement par les forces de sécurité pendant cette période difficile.
Toutefois, ce ne sont pas seulement les actions de l’État qui ont eu un impact sur les femmes autochtones. La sûreté et la sécurité des femmes et des filles autochtones (y compris les femmes en situation de handicap) pendant le confinement ont été menacées à cause de l´accroissement de la violence sexiste telle que la violence domestique, le harcèlement et le viol (au sein des familles et des communautés), même dans les centres publics de quarantaine. Au Bangladesh, 11 femmes autochtones ont été victimes de violences basées sur le genre, dont une a perdu la vie (d’après les données recueillies grâce au monitoring des médias par l’AIPP en mars-mai 2020)
Les voix des femmes autochtones ont été réprimées et dispersées de manière disproportionnée en raison des confinements et des restrictions interdisant les rassemblements de masse et les restrictions de mouvement. Les cas ne sont souvent pas signalés en raison de la pression sociale et du manque d’information sur les procédures de dépôt de plaintes ainsi qu’au manque d’accès au système judiciaire. Dans le même temps, l’attention et la couverture des grands médias sur les femmes autochtones, y compris les personnes en situation de handicap, restent limitées. Par conséquent, l’attention sur la question des femmes et des filles autochtones est sérieusement négligée pendant la pandémie. À l’échelle mondiale, le débat sur les « actions accélérées pour le développement durable »’ est en cours, mais l’existence des femmes autochtones et leurs efforts pour réaliser le développement durable ont été sérieusement impactés par les mesures répressives prises par les gouvernements, qui utilisent le COVID-19 comme couverture. Nous lançons un appel à tous les États et les acteurs non étatiques à prendre des actions concertées pour protéger les droits humains des peuples et des femmes autochtones afin de :
• Révoquer toutes les politiques et plans régressifs élaborés avant ou pendant la pandémie de COVID-19 et qui violent directement et indirectement les droits des femmes et des personnes autochtones en situation de handicap, respectant ainsi la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP en anglais) et la Commission sur l´Élimination et la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW en anglais).
• Arrêter la militarisation sur les terres et territoires des peuples autochtones pour maintenir la paix, la sécurité et la sûreté.
• Cesser immédiatement d’utiliser la pandémie comme moyen de poursuivre des intérêts politiques et économiques visant à chasser les peuples autochtones de leurs terres et territoires.
• Arrêter la dénonciation et la criminalisation des peuples autochtones, et libérer immédiatement tous les défenseurs des droits humains des peuples autochtones.
• Concevoir un système de justice accéléré pour les survivants de la violence et des injustices avant et pendant la pandémie et tenir les auteurs responsables.
• Fournir une assistance immédiate et à long terme pour résoudre les problèmes liés à la santé et répondre à d’autres besoins en veillant à ce que les situations et besoins spéciaux des femmes autochtones et des personnes en situation de handicap soient gérés efficacement pendant et après la pandémie de COVID-19.
• Veiller à ce que les protocoles de «nouvelles normes» soient adaptés à la culture et incluent un système de connaissances autochtones et des institutions coutumières pour répondre aux besoins spécifiques des femmes autochtones, en particulier des personnes en situation de handicap et des personnes âgées.
• Veiller à la participation et la représentation pleines et efficaces des peuples autochtones, y compris les femmes autochtones et les personnes en situation de handicap, dans les processus décisionnels qui les concernent.
Vous pouvez également télécharger la déclaration en cliquant ici .