Questions relatives aux transgenres
Par : Audrey Mbugua, femme transgenre, habitante de village et directrice exécutive de Transgender Education and Advocacy (TEA)/Education et Plaidoyer pour les Transgenres
Les personnes transgenres sont des individus dont la conscience de soi, de leur genre et de leur sexe ne correspond pas à celui qui leur a été attribué ou supposé à la naissance. La manière conventionnelle d’attribuer le genre implique l’observation des organes génitaux d’un enfant après la naissance et l’attribution du sexe masculin quand l´enfant a un pénis et du sexe féminin quand l´enfant a une vulve. Le terme intersexué est utilisé lorsqu’il y a une apparence d’organes génitaux ambigus. Après l’attribution du genre, il y a la manifestation de ce genre qui prend la forme de l’expression et de l’identité de genre. L’hypothèse courante est que toute personne possédant un pénis s’identifierait comme sexe masculin et comme un homme et se comporterait en fonction des rôles de genre associés à ce sexe. Il en va de même pour les rôles qui sont attribués à la femme à la naissance.
La biologie n’est pas le destin. Le phénomène transgenre ou transsexuel présente aux individus et à la société l’importunité d’être témoins de discordances entre le sexe génital d’un individu et son sexe cérébral (identité de genre). Une inadéquation entre ces attributs biologiques provoque une détresse importante chez un individu et, si elle n’est pas traitée, entraîne une dépression et des suicides. C’est ce qu’on appelle la dysphorie de genre. Contrairement aux idées reçues, les personnes transgenres ne sont pas homosexuelles et ne sont pas non plus intersexuées. Le phénomène de transgenre n’est pas une orientation sexuelle ou un mode de vie. Ce qui ne veut pas dire qu’une personne transgenre n’a pas d’orientation sexuelle. Les personnes transgenres, tout comme leurs pairs cisgenres (non transgenres), peuvent être hétérosexuels, homosexuels/uelles, lesbiennes ou bisexuels/uelles.
Le concept d’identité de genre et de dysphorie de genre semble abstrait et pour certains, il est difficile de croire qu’il existe. Toutefois, des scientifiques dans le domaine de la neurobiologie et de la physiologie ont découvert de nouveaux circuits neuronaux chez les personnes transgenres/transsexuelles. Les travaux de pionnier du professeur Dick Swaab de l’Institut néerlandais des neurosciences ont conduit à la découverte que le cerveau des femmes transgenres possédait le même nombre de cellules nerveuses que les structures sexuellement dimorphes de l’hypothalamus et des structures adjacentes comme celles des femmes cisgenres. Ils ont découvert qu’il y avait des inversions sexuelles similaires dans le cerveau des hommes transgenres, c’est-à-dire qu’ils avaient des circuits neuronaux similaires à ceux des hommes cisgenres.
Des études plus récentes révèlent que le cerveau des personnes transgenres se diverge de l’organisation conventionnelle de leurs pairs cisgenres. Par exemple, une étude récente publiée dans Nature par le Dr Spizzirri de la faculté de médecine de l’Université de São Paulo a révélé que les volumes de matière grise et blanche des femmes transgenres étaient uniques par rapport à ceux des hommes et des femmes cisgenres. L’identité de genre n´est pas déterminée par une ou deux structures cérébrales. Mais les chercheurs mettent en corrélation un certain nombre de neuro-développements atypiques avec le transsexualisme.
Fondamentalement, les personnes transgenres doivent être courageuses et audacieuses. Elles doivent arrêter de se cacher car, non seulement elles se rendent invisibles, mais aussi elles rendent invisibles les défis auxquels elles sont confrontées.
Dans un monde qui ne pardonne pas à ceux qui transgressent les normes de genre bien établies, les personnes transgenres sont sévèrement punies pour ce qu’elles sont. Les personnes transgenres sont confrontées à des niveaux plus élevés de violence, de discrimination, d’exploitation et de pauvreté par rapport à d’autres groupes minoritaires tels que les homosexuels, les lesbiennes et les bisexuels. La transphobie fait référence à la haine irrationnelle et aux préjugés contre les personnes transgenres. Dans presque tous les pays du monde entier, il est exigé des personnes transgenres de changer de noms, de photos et de marqueurs sexuels dans leurs actes de naissance, leurs cartes d’identité nationales, leurs documents académiques et de voyage.
Toutefois, les gouvernements du monde entier, y compris le Kenya, n’ont pas fait preuve de considération dans la fourniture de services juridiques et médicaux aux personnes transgenres. Il existe de graves dangers de posséder des documents d’identité et universitaires dont les noms et les marqueurs sexuels ne correspondent pas à l’identité de genre et à l’expression d’un individu. Le manque de services médicaux liés et non liés à la thérapie de changement de sexe pèse lourdement sur les personnes transgenres, certaines études indiquant que plus de 53% des personnes transgenres ont tenté de se suicider en raison de la stigmatisation et des préjugés anti-transgenres. Une étude réalisée en 2013 a révélé que les femmes transgenres sont 48,2 fois plus susceptibles d’être infectées par le VIH que les adultes du même âge reproductif.
Pour relever ces défis, un certain nombre de choses doivent changer. Les personnes transgenres et leurs alliés ont besoin d’initiatives bien coordonnées pour sensibiliser la société, les décideurs politiques et les prestataires de services à l’impact des institutions et pratiques transphobes. Les organisations de la société civile, les défenseurs des droits humains et les partenaires au développement doivent soutenir les personnes transgenres et les initiatives bien pensées qui répondent aux vrais défis auxquels sont confrontées les personnes transgenres. Les politiques, les procédures administratives et les lois ne seront pas modifiées pour une ou deux personnes transgenres.
Faire ouvertement du plaidoyer pour les transgenres et même révéler son identité de transgenre dans une société hostile pose de nombreux problèmes. Mais il s´agit d´un risque qui vaut la peine d’être pris si nous voulons avoir des changements significatifs dans notre société.