Dans le cadre du projet Kampung Katong (Notre village), l’IGR et son consortium (Lakoat.Kujawas, Videoge et Simpasio Institute) se concentrent sur l’intégration des initiatives locales dans les mouvements sociaux en vue d’un développement inclusif. Kampung Katong est l’abréviation de Kami Pung Manekat, Papada, Kampo Tanga[i], ce qui signifie Notre esprit pour le travail collectif. Fidèle à sa signification, le consortium a organisé plusieurs discussions pour renforcer les initiatives communautaires locales menées par les jeunes. Ces discussions portaient notamment sur la gestion de projets, l’accès aux ressources et l’appropriation de la culture locale. Le projet final a donné lieu à un festival intitulé « Festival Kampung Katong : Membangun dari Kampung » ou Festival Kampung Katong : Construire à partir de notre village, du 5 au 7 octobre 2023 à Labuan Bajo, NTT (East Nusa Tenggara), Indonésie.

Le festival est né de leurs préoccupations concernant le nombre élevé de jeunes qui émigrent vers les grandes villes et à l’étranger en raison de la stigmatisation de la région des NTT comme étant défavorisée en raison de son taux élevé de malnutrition et de retard de croissance, tel qu’établi par les normes gouvernementales. Si seulement ces normes ne se limitaient pas aux biens matériels, mais concernaient également les forêts protégées, les mers et la culture locale, les NTT seraient perçues différemment.

En raison de la migration des jeunes, des questions cruciales se posent : Qui gérera le village ? Sera-t-il dirigé par les générations qui ne sont pas issues de la communauté locale ? Qui prendra soin de la diversité des connaissances, de la culture et des ressources naturelles locales ? Comment maintenir la communauté, l’égalité et la solidarité face à la menace de la perte de divers savoirs et sagesses locaux ?

Grâce à Kampung Katong et à l’esprit de décolonisation, l’initiative a cherché à faire de la réalité locale la principale référence pour résoudre les problèmes auxquels la communauté est confrontée au quotidien. Les connaissances et l’identité locales deviennent la boussole pour résoudre les problèmes socio-environnementaux et enrichir la culture, l’éducation, le bien-être de la communauté et la durabilité des espaces de vie et des moyens de subsistance. Ce processus se déroule en impliquant les jeunes, les femmes, les peuples indigènes et les minorités ethniques, ainsi que les citoyens locaux en tant qu’acteurs clés, ce qui permet un apprentissage contextuel transgénérationnel.

De nombreux matériels pédagogiques ont été présentés lors du festival, tels que des récits locaux traditionnels et des informations sur les aliments locaux riches et diversifiés, transformés en formes audiovisuelles. Ceux-ci ont été transformés en une installation artistique, et une série de discussions a également eu lieu avec d’autres communautés locales et parties prenantes.

Outre l’exposition, les trois communautés locales ont également organisé des cours de cuisine sur leurs propres produits locaux. Dans le cadre de Lakoat.Kujawas, Mama Fun et Erlis ont cuisiné du kacang arbilla hutan (haricots de Lima), du rebung (pousses de bambou), du jagung bose (maïs bose) et du sambal lu’at (sauce pimentée fermentée). Pour moi, le goût est unique et pourtant assez familier. Le kacang arbilla hutan a le goût d’un haricot rouge agrémenté de curcuma, de gingembre, d’ail, d’échalote, de citronnelle et de feuilles de menthe ; le jagung bose a un goût savoureux ; le rebung a une saveur terreuse et le sambal lu’at en complète trois parce qu’il est épicé, aigre et a une odeur unique. Je peux sentir la richesse de la façon dont ils protègent et promeuvent les aliments locaux afin que le peuple Mollo n’ait pas besoin de dépendre du riz ou de l’alimentation moderne.
« Les crises alimentaires sont omniprésentes. L’une de nos identités en tant que Mollo est la nourriture. Nous avons donc apporté du kacang arbilla hutan ici pour nous présenter ; il est consommé depuis l’époque de nos ancêtres. Ce kacang arbilla hutan doit être cuit 12 fois pour éliminer le poison. Comment savons-nous si certains aliments sont toxiques ou non ? Oui, par les ancêtres. Il est donc important de diffuser ce savoir local à la génération suivante, sinon nous perdrons notre identité »

– Mama Fun, Lakoat.Kujawas

Grâce à ce festival Kampung Katong, ils ont célébré leur identité et leurs connaissances locales, sensibilisé l’opinion publique, renforcé l’appropriation et reconnu le travail d’archivage entrepris par les jeunes. Cela remet en question le stigmate selon lequel les jeunes n’ont pas les connaissances, l’expérience et la volonté de s’occuper de leur propre terre. Leur présence pour construire leur propre village est renforcée par leurs efforts, leurs réflexions et leurs actions indépendantes pour résoudre les problèmes de leur village en organisant des citoyens actifs.

À propos du consortium :
Lakoat.Kujawas : Préservation du savoir indigène par l’éducation critique et contextuelle
La menace de disparition des traditions communautaires et la crise climatique ont incité Lakoat.Kujawas à documenter les connaissances locales en tant qu’identité du peuple Mollo. Par exemple, en documentant des recettes de cuisine, en expérimentant des aliments locaux, en archivant des semences, en organisant des festivals et des expositions, et en renforçant les capacités des jeunes de la région.

Institut Simpasio : Documenter les traditions de la communauté malaise Nagi à Larantuka

L’Institut Simpasio est une institution d’archivage et de recherche culturelle située à Flores Est et accueillant des jeunes. Cet espace facilite la production de connaissances contextuelles transgénérationnelles, par exemple en ce qui concerne la modernisation de la médecine traditionnelle de la communauté Nagi Larantuka, qui est de moins en moins familière aux yeux de ses propres jeunes. Cette communauté documente les connaissances sur la danse et la musique traditionnelles, l’histoire du village, la nourriture locale, ainsi que d’autres cultures locales.

Collectif Videoge : Les jeunes enregistrent le vieux village
Videoge se positionne comme un « laboratoire de créativité » pour les connaissances locales à Labuan Bajo. Ils utilisent un processus d’apprentissage unique, à savoir la production et la distribution d’audiovisuels sous forme de micro-documentaires, la production de catalogues, de livres, et même une approche événementielle à travers une série de Pesta Kampung/Festivals de village. Au cours du processus d’un festival de village, il est essentiel d’impliquer les jeunes. Cela les rapproche de leur propre ville natale au milieu du développement massif du tourisme à Labuan Bajo.

« Manekat, Papada, et Kampo Tanga sont des termes locaux de Mollo (Lakoat.Kujawas), Labuan Bajo (Videoge), et Larantuka (Institut Simpasio) représentant le « travail collectif pour la communauté ».