By AmanPar Amanda Lingao, responsable des médias, IDEALS Inc.

Les Initiatives pour le dialogue et l’autonomisation par le biais de services juridiques alternatifs (IDEALS en anglais) se livrent à des activités de plaidoyer politique et d’influence, la constitution de cas et de dossiers pour les victimes de violations des droits de l’homme. Elle mène des missions juridiques pour aider les groupes marginalisés et vulnérables identifiés à établir leur identité juridique et / ou mettre à jour leurs dossiers. Grâce à une subvention d’influence de Voice, ils mettent en œuvre un projet intitulé Amener les exclus vulnérables et les communautés autochtones à s’engager dans la gestion des morts et des disparus (MDM en anglais). Ce projet autonomise les secteurs marginalisés de la société, en particulier lors de scénarios catastrophes, en les formant à identifier les questions prioritaires, concevoir des plans d’action basés sur ces questions, et faire le lobbying pour la mise en œuvre de ces plans avec le gouvernement. Leur chargée des médias, Amanda Lingao, partage avec nous ce à quoi ressemble une visite communautaire dans la pratique :

Notre voiture monta et descendit la colline avant de s´immobiliser. Après deux heures de voyage depuis Iligan, nous avons gravi la dernière pente avant d’arriver à destination. L’hébergement temporaire Lake View à Boganga, Lanao del Sur, se trouve juste en dehors de la ville de Marawi, ses groupes de toits verts alignés précisément en rangées. Du haut, cela ressemble presque à une grille géantedessinée sur le flanc de la colline.

L’année dernière, nous (mes coéquipiers et moi) sommes allés au refuge pour interviewer les déplacés internes qui y vivaient après le siège du Marawi. En effet, lorsque la guerre a éclaté dans la ville en 2017, elle a laissé derrière elle une traînée de destruction, tuant non seulement des militants et des soldats, mais aussi des civils pris dans le feu croisé. On estime officiellement que 47 civils sont morts dans le conflit. Toutefois, il est même probable que plus de personnes soient mortes de maladies et de déplacements dans les centres d´évacuation.

D’autres qui ont été portés disparus n´ont jamais été été retrouvés. Nous étions à Marawi pour parler à leurs familles. Beaucoup d’entre eux n’ont reçu aucun soutien depuis la perte de leurs proches. Notre objectif était de les soutenir à engager le gouvernement et faire pression pour une meilleure gestion des morts et disparus, protocoles (MDM), afin que les futures victimes et survivants de catastrophes ne subissent pas le même sort. Au départ, nous avions prévu de former les premiers intervenants de la ville à mener des pratiques MDM plus sensibles, mais plus tard, nous avons changé cela pour former la communauté elle-même à faire pression pour de meilleurs protocoles MDM.

Cela s´est avéré être plus difficile et demandait plus de ressources. Mais nous avons quand même persévéré. Nous nous sommes donc retrouvés dans les abris de Marawi, parlant aux chefs communautaires et aux familles. Le projet a commencé lentement. Bien que nous ayons formé des partenariats avec le gouvernement local, il n’était pas toujours facile de trouver des victimes disposées à parler de leurs expériences. Il nous fallait encore briser la barrière linguistique qui existait entre nous. Chaque visite dans une communauté consistait en une présentation de notre organisation et un exercice de renforcement de la confiance. Parfois, nous demandions au personnel ou aux membres de la communauté locale de traduire du Maranao pour nous faire comprendre. Mais finalement, notre équipe a pu dresser le profil de plus de 100 membres de familles de victimes de conflits et former des volontaires pour enquêter sur le MDM dans d’autres communautés. Ce n´est qu´en ce moment que les choses ont commencé à bouger.

Il y a toujours des résultats inattendus dans chaque projet. Lorsque les bénévoles ont commencé à mener les enquêtes, nous avons pensé que cela serait une enquête ordinaire. Mais quand nous avons remarqué que la collecte des données se passait mieux que prévu, nous nous sommes rappelés de la valeur de l’investissement dans la communauté. Il est parfois difficile de parler de douleur, surtout face à un étranger. Mais contrairement à nous, ces bénévoles ont vécu les mêmes expériences que les personnes interviewées. Lorsqu’elles ont commencé à mener les enquêtes, les familles ont commencé à se confier petit à petit. Le fait de participer à leur développement a également contribué à autonomiser les participants, tout comme être un acteur de la communauté apporte un sentiment d’appropriation. Tout à coup, ce n’était plus seulement nous qui les aidions, c’est plutôt eux qui s’aidaient eux-mêmes.

Lors de ma visite à Marawi, j’ai interviewé Akisah Lansao, une femme de Maranao qui devait plus tard devenir l’une de nos agents enquêteurs les plus actifs. Depuis qu’elle a commencé à aider dans le projet, elle a continué à enquêter sur plusieurs membres de familles endeuillées dans plusieurs communautés à Marawi.

«Mener l´enquête me plaisait beaucoup parce que cela me permettait d´aller dans beaucoup d’endroits où je n’avais jamais été auparavant », dit- elle. « Lorsque je mène l´interview, je ressens la perte, le désir d’une famille qui a perdu un enfant, un conjoint, un père ou une mère pendant le siège. Avec les prières dues, j’espère que les personnes touchées par le siège pourront passer à autre chose. »

Pour Jasmerah, une autre bénévole, cette implication lui rappelle qu´il y a toujours l’espoir d’aller de l’avant. « Même s’ils sont morts, les souvenirs aident à garder les morts vivants et nous inciter à aller de l’ avant dans la vie … Chaque enquête est un moyen pour nous de créer un livre d’histoires, pour nous rappeler que nous sommes toujours bénis », a-t- elle déclaré .

Lorsque nous avons développé pour la première fois le projet Bringing VOICE to MDM, nous avons pensé qu’il serait préférable de passer par une voie plus efficace, directement vers les premiers répondants. Mais je suis heureuse de constater que, même si cela rend les progrès un peu plus sinueux, nous avons bien fait d´aller plutôt vers la communauté. Faire cela m´a rappelé que c’est leur histoire, pas la mienne; et plus que nos extrants, ce qui compte, c’est le résultat de notre projet.

En tant que travailleuse du développement, il est important d’avoir l’humilité de comprendre que les récits sont souvent extrêmement personnels et que la meilleure façon de les partager est d’aider les communautés à écrire leurs propres récits, pas de les écrire à leur place.