Trois voix, un rêve
Par Apple Mae Opit et Vhen John Fernandez, chargée de développement de l’enfant / de la famille, Bidlisiw Foundation Inc.
Les Philippins continuent de faire preuve de résilience dans leur lutte par rapport à la guerre en cours contre la drogue dans le pays. Les effets de cette guerre touchent plusieurs groupes de détenteurs de droits au sein de Voice, tels que les enfants, les jeunes et plus de personnes âgées. Toutefois, on reconnait rarement que les enfants et les jeunes sont également impliqués et considérablement affectés par cette guerre. Bidlisiw Foundation, Inc. un partenaire d’Innovation et d´Apprentissage des Philippines, met l’accent sur son parcours alors qu’il continue d’explorer des moyens d´apporter un soutien adapté aux enfants toxicomanes et repentis.
Dans le cadre de son projet Voice, Bidlisiw teste actuellement un programme de rééducation à base communautaire pour les enfants toxicomanes et repentis. Leur modèle est basé sur des sessions et intègre le travail de développement familial. Actuellement, dans la deuxième année du projet, Bidlisiw récolte les fruits des changements qui se produisent dans les communautés avec lesquelles ils travaillent. Ci-dessous sont trois voix qui, nous l’espérons, se transformeront en vagues d’inspiration.
Analyn
Analyn a commencé à utiliser du shabu (méthamphétamine) à l’âge de 13 ans à cause de la pression de ses pairs et du fait que des membres de sa famille proche aussi l´utilisaient. Le fait de grandir dans une communauté où le commerce de la drogue était une activité courante a également profondément contribué à son abus de drogue. Analyn n’avait qu’un mois lorsque sa mère a confié sa garde à sa grand-mère dont les revenus étaient très modiques (deux à trois dollars américains par jour).
Analyn n’a jamais eu non plus la chance de connaître son père biologique. À un très jeune âge, Analyn a ressenti le besoin de gagner de l’argent pour pouvoir supporter ses vices. Plus tard, elle a fait la rencontre de quelqu’un qu’elle appelait « Tatay » (père), qui était dans le trafic de drogue. Tatay a recruté Analyn et l’a chargée de transporter des drogues illicites vers les municipalités et les villes voisines en échange d’argent et d’approvisionnement personnel en drogues illégales. En plus de cela, « Tatay » abusait également d’elle sexuellement.
En 2015, Analyn s’est inscrite au programme de Bidlisiw après que son cas comme victime d’exploitation sexuelle ait été révélé. Au début, elle ne montrait aucun intérêt pour le programme et n’a pas réussi à terminer les séances thérapeutiques pour enfants. Elle n’avait aucun soutien de sa mère qui était alors toujours impliquée dans la consommation de drogues illégales. Au milieu de son programme, elle est partie pour une autre ville où résidait « Tatay », voyageant souvent vers et depuis son ancienne et nouvelle résidence tout en continuant à vendre des drogues illégales.
Une année plus tard a commencé la campagne de l’administration actuelle contre les drogues illicites, plus connue par les Philippins sous le nom de « Tokhang ». Cela a amené Analyn à craindre pour sa vie. Elle a encouragé sa mère à se rendre ensemble aux autorités. Cela a ouvert la voie pour sa réinscription dans le programme Bidlisiw, dans le cadre du programme de réinsertion communautaire pour les enfants toxicomanes/ repentis.
Contrairement à son inscription précédente au programme où elle ne montrait aucun intérêt, Analyn faisait maintenant exactement le contraire. Elle participait activement aux sessions hebdomadaires, exprimant son intérêt à poursuivre ses études et rêvait d’avoir un emploi normal et décent. Le programme l’a aidée à s’inscrire à un cours de formation professionnelle dans l´utilisation de machines à coudre industrielles qu’elle a terminé en septembre 2018. Elle attend maintenant une place de stage avec l’aide du Service public de l’emploi.
D’autre part, sa famille qui était inscrite au programme de développement familial de Bidlisiw a également bénéficié d’appuis. Grâce à ce programme, la famille continue de renforcer son soutien à Analyn. Sa mère participe toujours au programme de réinsertion offert par le barangay. Analyn et sa mère ont toutes les deux totalement cessé de consommer des drogues illégales. Analyn est actuellement l’un des «copains de réinsertion» choisis pour être formé afin d´aider d’autres enfants toxicomanes (CAD). Sa volonté de vouloir changer, le soutien de sa famille et les ressources fournies par le programme ont facilité ses changements de comportement positifs.
Analyn est sobre depuis maintenant deux ans et travaille actuellement comme caissière dans un petit magasin de la ville.
Voix d’Arman
Arman est l’aîné des six enfants d’une famille qui a des difficultés économiques. Les ressources de sa famille n’étaient pas suffisantes pour les entretenir tous. Cette situation a également provoqué des conflits au sein de la famille, conduisant à des cas de violence sexiste envers sa mère et des enfants. Étant l’aîné, Arman a estimé qu’il ne pouvait pas trouver de réconfort avec ses frères et sœurs. Au lieu de rester avec ces derniers, il a trouvé consolation et bonheur auprès de ses amis et voisins, dont certains se trouvaient dans la même situation familiale.
La situation familiale d’Arman est devenue un facteur important de son manque d´intérêt à poursuivre ses études. Lui et ses amis chômaient régulièrement leurs cours. Cela a continué pendant quelques années avant qu’il ne décide d’abandonner complètement alors qu’il était en 5e année. Vu qu’ils disposaient de plus de temps libre, Arman et ses amis se sont intéressés aux drogues illégales. La drogue est devenue son recours pour fuir ses problèmes familiaux. Son état s’est aggravé lorsqu’il a commencé à commettre à plusieurs reprises des délits mineurs tels que le vol afin de payer pour sa consommation de drogue.
En 2014, Bidlisiw a pris contact avec Arman. Il était invité à participer aux activités du programme, mais chaque fois que le personnel du programme venait le chercher, il ne se présentait pas. Puis vint le « TokHang », une campagne qui, selon l’administration, devrait résoudre le problème du pays sur le trafic de drogues illégales. De même qu´avec Analyn, cela a suscité la peur chez Arman. Cette crainte l’a amené à envisager de commencer à changer sa vie en décidant de se rendre aux autorités en octobre 2016, ce qui a conduit à son inscription au programme de rétablissement communautaire de Bidlisiw. À partir de ce moment-là, Arman a décidé de cesser de consommer des drogues illégales. Toutefois, il arrivait encore quelques fois qu´ il ne réussissait pas à contrôler ses envies.
Cette fois-ci, Arman est devenu réceptif au programme. Il a rejoint les sessions hebdomadaires et la plupart du temps, il venait plus tôt que l’heure prévue. Il n’a été absent qu’une seule fois des séances. Sa volonté de changer a eu un impact positif sur la perception que sa famille et ses voisins avaient de lui. Ce sentiment d’acceptation a encouragé Arman à poursuivre ses études pour avoir une meilleure opportunité d’emploi à l’avenir. Grâce à l’aide du programme, Arman a été inscrit au système d’apprentissage alternatif du village pour un cours technique en climatisation et en réfrigération. Étant donné que sa famille avait de maigres revenus et ne pouvait pas aider Arman, Bidlisiw a offert de payer ses frais de transport.
Arman a maintenant terminé son cours technique et travaille actuellement comme technicien en climatisation dans une ville voisine. Ses voisins, amis et autres membres de sa famille sont fiers de lui et ont affirmé qu’il était maintenant devenu une meilleure personne. Arman a été très reconnaissant d’avoir été inscrit au programme car cela l’a aidé à réaliser son rêve d’avoir une vie meilleure.
Jérémie
Ce n’était pas la première rencontre de Jeremy avec Bidlisiw. En fait, il a été inscrit au programme de réinsertion de l’organisation en 2014 parce qu’il était engagé dans des activités d’exploitation commerciale et sexuelle.
Jeremy est né dans une grande famille. Le faible revenu de ses parents n’était pas suffisant pour subvenir aux besoins de base des huit enfants.
Jeremy pensait qu’être un enfant exploité à des fins commerciales et sexuelles (CSEC en anglais) était la seule façon pour lui de satisfaire ses besoins et ses désirs, car il ne pouvait pas compter sur ses parents. Il a également commencé à commettre des larcins, en volant des vêtements et d’autres effets personnels des voisins qu’il vendait, surtout lorsqu’il y avait des projets scolaires ou des frais à payer. Il faisait généralement ces activités tard le soir et rentrait chez lui à l’aube ou tôt le matin. Il était souvent absent de l’école et chômait ses cours, ce qui l’a conduit au manque d’intérêt à poursuivre ses études et à abandonner finalement l’école. Avec plus de temps libre, ses activités avec ses pairs ont empiré. C´est sous l’influencé de ses derniers que Jeremy a essayé des drogues illégales.
Une nuit où il traînait avec des pairs, Bidlisiw a pris contact avec lui. Jeremy a été invité à se joindre aux activités du programme. Ce qu’il a accepté. Toutefois, lors des activités, le personnel avait beaucoup de mal à créer une relation avec lui. Malgré cette attitude, Jeremy a terminé le programme en 2014 et lui et sa famille ont reçu une assistance.
En 2016, la lutte contre le trafic de drogues illégales a été renforcée avec la campagne « TokHang ». Les opérations de couvre-feu pour les mineurs ont été strictement appliquées. Jeremy était sauvé par la police quand ils le repéraient souvent en train de sortir avec des pairs tard dans la nuit. Bien qu’il affirme ne plus consommer de drogues illégales, il a été contraint par la police de se rendre en tant que toxicomane. Jeremy a avoué qu’il ne pouvait pas abandonner son habitude de sortir tard le soir pour passer du temps avec ses pairs. Toutefois, il a affirmé qu’il n´utilisait pas de drogues illégales parce qu’il craignait l’opération.
Sa décision de se rendre aux autorités l’a conduit à se réinscrire au Programme de réinsertion à base communautaire de Bidlisiw. Il affirmé qu’il a cessé de boire depuis début 2017, ce qui a été confirmé par ses pairs et ses voisins. Lors de son inscription au programme, on lui a fait faire un test de dépistage appelé Alcohol Smoking and Substance Involvement Screening Test-Brief.
Intervention (ASSIST-BI). Les résultats ont montré qu’il avait un taux élevé d’utilisation de tabac, un taux modéré d´utilisation d’alcool et un taux faible d´utilisation d´amphétamine.
Depuis lors, Jeremy a essayé de changer de vie en se débarrassant de ses vices. Il a maintenant pris au sérieux ses études parce qu’il croit que l’éducation est la clé pour une vie meilleure, non seulement pour lui-même mais aussi pour sa famille. Il avait 18 ans au moment de la rédaction de ce texte, mais a quand même décidé d’aller à l’école formelle. Jeremy est conscient de l’incapacité de ses parents à subvenir à leurs besoins à tous.
C’est pourquoi il travaille actuellement, tout en poursuivant ses études. Il travaille le matin comme aide de maison et étudie la nuit. Chaque jeudi après-midi, il prend le temps d’assister aux sessions hebdomadaires de Bidlisiw.
En plus de la session hebdomadaire de psychoéducation, Jeremy a reçu une assistance pédagogique avec l’aide du projet. Sa motivation à bien réussir à l’école a porté ses fruits. Il faisait partie des cinq meilleurs élèves de sa classe l’année précédente. Ses réalisations sont le fruit de sa détermination à améliorer sa vie.
Remarque : les noms utilisés dans les histoires ont été changés pour la sécurité des personnes en question. Les photos ne montrent pas non plus les visages des personnes concernées.