Un village de femmes autonomes commence par une seule
Par Kayla Lapiz, chargée de Lien, Apprentissage et Amplification de Voice Philippines
J’ai rencontré Wilma Abubacar pour la première fois en 2019 à Cebu City, aux Philippines. Femme forte, elle est l’une des survivantes du siège de Marawi et, pour cette raison, a été déplacée interne à Sultan Naga Dimaporo (SND). Elle fait partie de la communauté partenaire du Mindanao Tri-people Women Resource Center (MTWRC), qui était alors partenaire d’une subvention d’autonomisation de Voice et qui met actuellement en œuvre, avec nous, son projet d’autonomisation accélérée. Faisant partie de la communauté de Lien et Apprentissage de Voice ici aux Philippines, nous avons pu brièvement avoir des contacts. J’étais loin de me douter que dans les années qui suivent, nous nous reverrions – trois fois et en personne – avant, pendant et après la pandémie.
Photo de Wilma Abubacar lors de la visite de suivi de Voice Philippines à Sultan Naga Dimaporo)
Elle a décidé de partager son histoire et ses expériences en tant que Moro (musulmane), femme et bakwit (évacuée, personne déplacée interne ou PDI). Je me souviens très bien de sa voix : courageuse, forte et pleine d’intentionnalité. Lors de notre deuxième et troisième rencontre, je n’ai pu l’entendre que brièvement, une fois de plus. Je me souviens avoir entendu parler de la situation des femmes déplacées internes de Marawi. Je savais qu’elle était une mère, une épouse et une leader émergente des femmes déplacées du SND. Notre quatrième rencontre a eu lieu lors de notre visite de suivi avec nos partenaires ici aux Philippines. J’étais très heureuse de voir un visage familier et cela m’a réchauffée le cœur de savoir qu’elle me reconnaissait également. Cette rencontre a été d’autant plus satisfaisante que nous avons pu rencontrer et parler à tout le groupe de femmes déplacées du SND, qu’elles appellent désormais « Ompongan ng mga Kababaihan » ou Association des femmes.
Une membre de l’Ompongan ng mga Kababaihan partageant ses expériences en tant que femme déplacée interne et dans le cadre du projet du MTWRC.
Une membre de l’Ompongan ng mga Kababaihan partageant ses expériences en tant que femme déplacée interne et dans le cadre du projet du MTWRC).
La formation d’Ompongan ng mga Kababaihan a commencé lorsque Wilma et ses collègues femmes déplacées ont rencontré l’Alliance Lanao des défenseurs des droits de l’homme ou LAHRA. Elles ont été réunies et invitées à participer à une activité ou un programme visant à aider les communautés de personnes déplacées affectées par le siège de Marawi. Intéressée et décidée à agir, Wilma a rejoint ledit programme. C’est ainsi qu’elle a rencontré le MTWRC, dont le premier projet avec Voice portait sur l’organisation des femmes Moro déplacées par le siège. L’objectif était d’accroître les connaissances et la sensibilisation de la communauté par rapport à leurs droits et de renforcer leurs capacités à agir pour faire face à leur situation.
Une membre de l’Ompongan ng mga Kababaihan partageant ses expériences en tant que femme déplacée interne et dans le cadre du projet du MTWRC).
Le MTWRC a remarqué le potentiel de leadership de Wilma. Selon Wilma elle-même, c’est peut-être à cause de sa nature bavarde. Eh bien, moi je pense que c’est à cause de la façon dont elle aspire à une transformation collective plutôt qu’à une transformation personnelle simple. Avant le siège, elle et sa famille menaient une vie simple. Ils n’étaient pas aisés, mais s’en sortaient tous les jours en vendant des légumes et des bananes / patates douces cuites au barbecue. Lorsqu’ils ont finalement été déplacés vers le SND, Wilma se souvient qu’ils avaient l’impression d’être des oiseaux à qui on avait coupé les ailes. Il a été difficile de trouver des sources de revenus et une maison décente pour y vivre. Cinq ans après le siège, bien que certains défis subsistent encore, elle se sent un peu plus soulagée de constater que sa situation s’améliore progressivement. Ce soulagement vient de la connaissance de ses droits et du bonheur qu’apportent ses camarades de l’Ompongan ng mga Kababaihan. Wilma explique que dans toutes les expériences qu’elle a vécues depuis qu’elle a rejoint le programme du MTWRC, ce qui lui a apporté le plus de joie, c’est de se faire de nouvelles amies, les femmes moros et les personnes déplacées comme elle, originaires de différentes régions de Mindanao. Malgré leur situation difficile, le fait d’être avec ses camarades la fait se sentir plus légère. Elle sent qu’elle n’est pas seule.
L’Ompongan ng mga Kababaihan a encore un long chemin à parcourir, mais Wilma est décidée à aller jusqu’au bout. Elle remercie également son mari qui la soutient toujours dans ce qu’elle fait. Il l’a même encouragée à continuer à agir et à être une leader, en particulier quand c’est la bonne chose à faire et que cela aidera d’autres personnes. Actuellement, l’association se réduit en termes de nombre de membres. Certaines membres ont déménagé dans d’autres régions, tandis que d’autres ont exprimé leur crainte que l’association ne soit étiquetée négativement par les autorités de l’État. Face à cette diminution du nombre de membres et à l’impact continu du siège et de la COVID-19, Wilma souhaiterait partager le message suivant avec ses camarades femmes déplacées :
J’espère que mes camarades ne se lasseront pas de ce que nous essayons de faire et réaliser. J’espère que nous pourrons continuer, que nous tiendrons bon. Après tout, nos efforts ne sont pas perdus et les ont aidées, surtout lorsque les problèmes s’accumulent. D’une certaine manière, nos problèmes semblent plus petits lorsque nous sommes ensemble. »
Wilma rêve d’avoir à nouveau plus de membres dans son association. Certes, beaucoup sont parties, mais il y a aussi beaucoup de femmes déplacées au SND qu’elles n’ont pas encore pu joindre. Wilma admet qu’elle a aussi des craintes, mais son engagement à lutter pour leurs droits est plus fort. L’une des choses qui la motivent toujours à aller de l’avant est le fait qu’elles ne sont plus à Marawi, où elles étaient obligées de suivre seulement ce qu’on leur disait, où l’on attendait d’elles qu’elles fassent des travaux domestiques, où elles ne se connaissaient pas et où elles étaient normalement enfermées à la maison.
Entendre les femmes de l’association et voir le bonheur de Wilma lors de notre rencontre avec elles est l’une des expériences les plus inspirantes de notre visite à Mindanao. Elle est la preuve qu’un leader peut venir de n’importe où, qu’un leader partage avec les autres le voyage vers le mieux-être.
Wilma Abubacar : Si ce que nous faisons finit par porter ses fruits, je ne serai pas la seule à les récolter, mais nous toutes. »
Version en tagalog:
Si Wilma at ang Ompongan ng mga Kababaihan ng Sultan Naga Dimaporo
(Wilma and the Association of Women in Sultan Naga Dimaporo)
Isinulat ni Kayla Lapiz, Linking, Learning, and Amplifier Officer ng Voice Philippines
Una kong nakilala si Wilma Abubacar noong taong 2019 sa siyudad ng Cebu. Isa siya sa mga mga nagging survivors ng Marawi Siege na lumikas patungong Sultan Naga Dimaporo o SND. Siya ay bahagi rin ng komunidad na sinusuportahan ng Mindanao Tri-people Women Resource Center o MTWRC, naging Empowerment grantee ng Voice at kasalukuyang nagpapatuloy ng proyekto sa loob ng Empowerment Accelerated grant. Bilang bahagi ng komunidad ng Voice Linking & Learning dito sa Pilipinas, kami ay nagkatagpo at saglitang nakapag-usap. Hindi ko lamang alam na sa susunod pang mga taon ay magkikita kaming muli. Tatlong beses— bago, sa gitna, at sa paghupa ng pandemya.
Ibinahagi niya ang kanyang kwento bilang isang Moro, babae, at bakwit (evacuee/internally displaced person o IDP). Tanda ko ang boses niya: may tapang, lakas at intensyon. Sa ikalawa at ikatlo naming pagkikita, pahapyaw ko lamang muling narinig ang kanyang kwento tungkol sa kondisyon nilang mga kababaihang bakwit mula Marawi. Alam kong siya ay isang ina, isang asawa, at isang umuusbong na lider ng mga kababaihang bakwit sa SND. Ikaapat na pagkikita namin ay sa kalagitnaan ng aming monitoring visits sa mga Voice grantees sa Pilipinas. Laking galak ko nang siya ay aking mamukhaan at ako ay mamukhaan niya! Mas masaya ang pagtatagpong ito dahil hindi lamang siya ang aking nakausap ngunit ang buong grupo ng mga kababaihang bakwit sa SND, na ngayon ay tinatawag na nilang “Ompongan (Samahan) ng mga Kababaihan”.
Nagsimulang mabuo ang Ompongan ng mga Kababaihan o Ompongan nang makilala ni Wilma at ng iba pang mga kababaihang bakwit ang Lanao Alliance of Human Rights Advocates o LAHRA. Sila ay tinipon at inimbitahang sumali sa isang aktibidad o programa na ang layunin ay tulungan ang mga komunidad na naapektuhan ng Marawi siege. Interesado at desididong aksyunan ang kanyang kalagayan, sumama si Wilma sa pagtitipon na ito. Dito niya nakilala ang MTWRC, kung saan ang unang proyekto nila na sinuportahan ng Voice ay ang pag-oorganisa ng mga kababaihang Moro na lumikas ng Marawi dahil sa trahedyang nangyari. Nilayon nilang mabahagian ng kaalaman ang komunidad ukol sa kanilang mga karapatang pantao at paigtingin ang kanilang kakayahang aksyunan ang kanilang kalagayan.
Si Wilma ay nakitaan ng MTWRC ng potensyal upang maging isang lider. Sabi ni Wilma, dahil daw yata ito sa likas na pagkamadaldal niya. Sa palagay ko, ito ay dahil sa hangarin niyang hindi lamang pansarili ngunit para rin sa kapwa kababaihan niya. Bago mangyari ang Marawi siege, tahimik silang nabubuhay ng kanyang pamilya. Hindi sila mayaman, ngunit naitatawid nila nang maayos ang bawat araw sa pamamagitan ng pagtitinda ng mga gulay at banana at camote cue. Nang sila ay mapalikas at mapadpad sa SND, ika nga ni Wilma ay para silang ibong naputulan ng pakpak. Naging mahirap ang paghahanap ng pagkakakitaan at ng tirahan. Ngayon, kahit na may nananatiling hirap ay may nakikinita na siyang ginhawa. Ginhawang dulot ng kanyang kaalaman tungkol sa kanyang mga karapatan at ng sayang naibibigay ng kanyang mga kasama sa Ompongan. Ayon kay Wilma, sa lahat ng kanyang naranasan magmula nang siya ay maging bahagi ng programa ng MTWRC, ang kanyang pinaka-ikinasaya ay ang pagkakaroon ng mga bagong kaibigan, mga kapwa kababaihang Moro at bakwit mula sa iba’t ibang lalawigan sa Mindanao. Kahit na mahirap ang kanilang sitwasyon, naiibsan ito ng kanilang pagtatagpo at pagsasama. Ramdam niyang hindi siya nag-iisa.
Mahaba pa ang kanyang tatahakin kasama ang Ompongan ngunit siya ay desididong magpatuloy. Malaki rin ang kanyang pasasalamat sa suportang ibinibigay ng kanyang asawa. Hinikayat niya si Wilma na ipagpatuloy ang pagkilos at pagiging lider kung ito ang pinaniniwalaan niyang tama at makakatulong. Sa kasalukuyan, bumaba ang bilang ng miyembro ng Ompongan. Ang ilan ay lumipat na sa ibang lugar, ang iba naman ay may pangambang mapahamak sakaling magkaroon ng negatibong paratang sa Ompongan. Sa kalagitnaan ng pagbabang ito at ng patuloy na epekto ng siege at ng pandemya, ang mensahe ni Wilma sa Ompongan:
Sana yung mga kasama ko ay hindi magsawa. Sana ituloy lang namin ito at kumapit lang sila. Hindi naman nasasayang ang pagod at nakakatulong naman ito sa kanila lalu na ‘pag may problema. Kahit papaano ay nababawasan ang problema ‘pag magkakasama kami.”
Pangarap din ni Wilma na madagdagang muli ang kanilang bilang. Marami ang nag-alisan at marami pang bakwit sa SND ang hindi pa nila naaabot ngunit sisikaping hanapin. Aminado si Wilma na kahit siya ay may takot, pero patuloy ang kanyang paglaban. Isa sa mga tumutulak sa kanyang kumilos ay ang katotohanang wala na sila sa Marawi kung saan sinusundan lang nila kung ano ang sasabihin sa kanila, kung saan gawaing bahay lang ang para sa kanila, at kung saan hindi sila magkakakilala at nakakulong lamang sa pamilya.
Ang marinig ang mga kababaihan ng Ompongan at ang makita si Wilma na galak sa nasaksihan niyang pagtitipon ay isa sa mga pinakamasayang bahagi ng aming mga bisita sa Minadanao. Isa siyang patunay na ang isang lider ay maaaring magmula sa kahit saang sulok ng mundo; na ang isang tunay na lider ay hindi sinasarili ang paglalakbay tungo sa ginhawa.
Kung sakaling may ibubunga ay hindi lang ako ang aani, lahat tayo.” Wilma Abubacar