Devenir nos propres organismes de contrôle
Alors que les espaces de dissidence se rétrécissent dans le monde, il est important que les organisations de la société civile réfléchissent elles-mêmes aux moyens de se conformer aux exigences de leurs gouvernements respectifs. Cette question a été provoquée suite à la récente fermeture de 54 organisations gouvernementales nationales en Ouganda pour cause de « non-conformité » avec les exigences de l’État en matière de fonctionnement d’une ONG. S´il est vrai que cela a suscité l´indignation de la société civile, c’est aussi l’occasion de faire un examen de conscience, de réfléchir aux différentes implications et de procéder à une évaluation personnelle des risques.
Il ne fait aucun doute que les organisations de la société civile jouent un rôle essentiel dans l’amélioration de la transparence et de la redevabilité, qui sont des piliers importants de la bonne gouvernance et de la définition de normes pour la défense des droits de l’homme et de meilleurs gouvernements.
Malgré ce rôle important, des questions se posent sur la représentativité et la responsabilité de la société civile et des OSC. Certains prétendent trop souvent que ces organisations ne respecteraient pas les normes de redevabilité et de transparence qu’elles exigent des autres.
En tant que société civile, il est important de nous poser des questions franches pour mener une autoréflexion : opérons-nous dans les limites des lois de nos pays respectifs ? Par exemple, contribuons-nous au Fonds national de sécurité sociale (FNSS) pour les membres de notre personnel ? Payons-nous les impôts aux organismes fiscaux de nos pays ? Remplissons-nous les déclarations mensuelles et annuelles dans les délais impartis ? Sommes-nous transparents dans toutes nos transactions ? Avons-nous signé des contrats avec nos membres du personnel?
Une réponse honnête à ces questions et à d’autres, comme l’exigent vos gouvernements, nous donnera, en tant qu’organisations de la société civile, l’autorité morale de demander des comptes aux gouvernements, d’éviter les pièges tendus par les gouvernements oppressifs et/ou restrictifs et d’avoir une base juridique pour demander réparation lorsque les gouvernements réduisent au silence la dissidence. La crédibilité à long terme des OSC, en particulier face à la relation ténue avec l’État et la remise en question de la légitimité et de la représentation, appelle à une société civile plus responsable.
Voice croit qu’il faut permettre aux populations de développer leurs propres structures, d’acquérir des connaissances sur leurs droits et de développer les compétences nécessaires pour se représenter dans le cadre du dialogue avec les agences gouvernementales, les autorités, les parlements et les tribunaux. D’une part, ces organisations agissent comme des « agents de changement » et des participants critiques, d’autre part, ce sont des « organismes de contrôle » qui critiquent de manière constructive l’État, le secteur privé et les organisations internationales. C’est pourquoi, en tant que bailleur de fonds, la responsabilité et l’obligation de rendre compte sont inscrites au cœur de nos valeurs. Et si nous continuons à pointer du doigt le gouvernement, nous devons également nous conformer aux règlements et être prêts à tout moment, pour que, en cas d´actions des autorités gouvernementales, comme elles l’ont fait dans le cas des ONG ougandaises, toutes les exigences légales soient en place. Bien qu’il y ait des exigences que Voice demande aux partenaires avant qu’ils ne soient considérés comme tels, les différents pays dans lesquels nous opérons peuvent aussi avoir des exigences supplémentaires qui doivent être respectées afin d’opérer dans ces pays.
Cela dit, cette autoréflexion critique et cette évaluation des risques personnels ne doivent pas être une excuse pour les gouvernements répressifs. Certains gouvernements ont utilisé la loi comme une arme pour supprimer dans leurs pays la branche du quatrième pouvoir, en l´occurrence la société civile et les médias. Les gouvernements doivent être interpellés sur ces mesures rigoureuses qui répriment le bon travail des OSC.